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Repenser la vague technologique actuelle (NBIC-EVA)

Repenser la vague technologique actuelle (NBIC-EVA)

Depuis le début des années 2000, le cadre NBIC – pour Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cognitique – est devenu une référence pour penser les grandes révolutions technologiques. Il reste encore aujourd’hui un repère utile pour comprendre la dynamique de convergence des innovations majeures. Mais à l’heure où les enjeux sociétaux, écologiques et géopolitiques s’intensifient, ce cadre devient insuffisant pour appréhender la complexité des transformations en cours.


Le socle NBIC est encore pertinent…

  • Les NBIC soulignent des technologies qui se renforcent mutuellement. Par exemple, l’IA + biotechnologie = médecine prédictive ou personnalisée.
  • A cela, il faut ajouter un vision transdisciplinaire qui oblige à penser les impacts croisés sur la matière, le vivant, les esprits et l’information.
  • Que ce soit l’IA générative, l’édition génétique (CRISPR), les neurotechnologies ou encore les nanomatériaux, les ruptures majeures d’aujourd’hui s’inscrivent toujours dans cette matrice.


Le cadre NBIC reste donc le « génome technologique »
de la transformation actuelle.

… mais ce génome ne suffit plus car de nouveaux champs émergent :


1) Technologies planétaires (E pour Environnement)

Les défis liés au climat, à l’énergie et à la préservation de la biodiversité suscitent une vague d’innovations centrées sur la durabilité. Parmi elles : la fusion nucléaire, la capture et le stockage du carbone, la géo-ingénierie, les technologies low-tech, ou encore les batteries post-lithium. Ces technologies ne relèvent pas uniquement du progrès scientifique : elles interrogent notre rapport au vivant, à la croissance et aux limites planétaires.
Elles inaugurent une nouvelle catégorie de ruptures, écosystémiques, qui visent à réguler ou réparer les conditions d’habitabilité de la planète. Ce ne sont plus seulement des solutions techniques, mais des leviers d’arbitrage collectif et d’organisation des ressources communes.

2) Technologies de virtualisation (V pour Virtualisation)

Web3, métavers, XR, jumeaux numériques, IA générative… Ces technologies ne se contentent pas de traiter l’information : elles créent de nouveaux environnements.
Elles redéfinissent nos espaces d’interaction, de production et d’identité, et déplacent la valeur économique vers des formes immatérielles, immersives et personnalisées.
Avec elles, la technologie cesse d’être un simple outil fonctionnel : elle devient infrastructure de réalité, avec des implications profondes sur la culture, les modèles économiques et les usages sociaux.

3) Technologies d’autonomisation (A pour Automatisation)

L’essor des robots, drones, assistants conversationnels, véhicules autonomes et autres systèmes IA embarqués ouvre une ère de délégation massive des tâches, mais aussi des décisions.

Ces technologies déplacent les frontières entre humain et machine, autonomie et contrôle, et posent des questions cruciales en matière de gouvernance algorithmique, responsabilité et éthique des systèmes autonomes.

Elles ne sont pas simplement des accélérateurs de productivité : elles reconfigurent nos modèles organisationnels, notre rapport au travail, et les fondements mêmes de la décision humaine.

Ces technologies ne sont donc pas explicitement intégrées dans la logique NBIC, mais elles redéfinissent profondément nos modèles d’organisation.

Vers une nouvelle convergence : NBIC + EVA

Pour enrichir les NBIC, je propose une lecture plus étendue avec le rajout de l’acronyme EVA :

  • E = Environnement (climat, énergie, durabilité)
  • V = Virtualisation (réalité mixte, Web3, mondes immersifs)
  • A = Autonomisation (robots, IA, systèmes autonomes)

Le cadre NBIC forme le cœur technologique. EVA en est l’interface d’expression, dans des contextes sociaux, écologiques et politiques en mutation.

Quel enjeu pour les entreprises ?

Dans un contexte de convergence accélérée, il ne suffit plus de surveiller des technologies isolées

Il est indispensable de :

  • SAVOIR ce qui émerge et où cela se joue.
  • COMPRENDRE les interactions entre technologies, secteurs et usages.
  • ANTICIPER leurs effets systémiques sur les modèles économiques, les métiers, la régulation.
  • ADAPTER sa stratégie en permanence à des environnements instables.
  • AGIR vite, avec lucidité et cohérence.

🎯 Les entreprises qui réussiront ne seront pas celles qui adoptent les technologies les plus avancées, mais celles qui maîtrisent les conditions de leur émergence et les intègrent dans une vision systémique et pragmatique.

Dans ce tsunami technologique, il devient essentiel de se faire accompagner par des spécialistes capables à la fois de faire de la veille stratégique éclairée et de construire des trajectoires concrètes de transformation, en lien avec vos enjeux opérationnels et vos ambitions de long terme.


Une autre réflexion pourrait être de penser la convergence technologique des NBIC à l’ « épigénétique technologique ».

Si les NBIC sont un cadre structurant et interdisciplinaire, comme le génome permet de comprendre les traits fondamentaux d’un organisme, la technologie devient « épigénétique ».

Comme en biologie, où l’épigénétique désigne l’ensemble des mécanismes qui modulent l’expression du génome selon l’environnement, on peut dire que les technologies ne sont plus seulement définies par ce que l’on pourrait définir par leur « code dur » (les NBIC), mais par leur interaction avec les contextes sociaux, politiques, environnementaux et culturels.

Pour illustrer la réflexion, voici quelques exemples :

  • L’IA appliquée à la défense ou à l’éducation : même technologie de base, mais implications et usages radicalement différents.
  • L’impression 3D en Afrique : permet une économie frugale et décentralisée, très différente de son usage industriel occidental.
  • Les innovations low-tech ou open source : des contre-mouvements technologiques qui naissent d’un contexte de saturation ou de critique.


Penser les écosystèmes technologiques ouvre de nouvelles perspectives

L’approche traditionnelle par typologie technologique (IA, biotechnologie, robotique, etc.) reste utile, mais elle ne suffit plus à comprendre la dynamique réelle des innovations. Penser en termes d’écosystèmes technologiques, c’est changer de paradigme : on ne regarde plus uniquement la technologie en elle-même, mais les conditions dans lesquelles elle émerge, évolue et produit des effets.

1. L’environnement d’adoption

Chaque technologie interagit avec un environnement spécifique : cadres réglementaires, normes culturelles, infrastructures locales, modèles économiques, visions politiques…
👉 Une même technologie peut produire des effets radicalement différents selon les contextes.
Ex. : Une IA de notation des élèves dans un système éducatif européen n’a pas les mêmes implications qu’en Chine.

2. Les effets systémiques

Les technologies ne sont pas neutres. Elles ont des effets en cascade sur les chaînes de valeur, l’emploi, l’organisation du travail, les dynamiques territoriales ou les équilibres géopolitiques.
👉 Penser l’écosystème, c’est anticiper les effets indirects, les effets amplificateurs ou les externalités négatives.
Ex. : Une avancée dans les batteries post-lithium modifie la donne énergétique, les chaînes d’approvisionnement et la diplomatie des ressources.

3. Les boucles de rétroaction

Les usages transforment la technologie autant que la technologie transforme les usages. Ce sont des systèmes adaptatifs, non linéaires.
👉 Comprendre un écosystème technologique, c’est aussi observer comment les pratiques modifient la trajectoire de l’innovation.
Ex. : Les usages détournés de l’IA générative (deepfakes, automations créatives, hackings narratifs) forcent les acteurs à repenser les modèles de développement.

Raisonner en écosystèmes technologiques permet :

  • d’intégrer les contextes plutôt que d’abstraire les technologies.
  • d’identifier les leviers et les vulnérabilités invisibles dans une approche trop technique.
  • de passer d’une logique de veille à une logique de stratégie systémique.

Vers une taxonomie dynamique ?

  • Au lieu de chercher un nouveau sigle (NBIC+ ou NBIC-EVA), nous pourrions proposer une grille de lecture dynamique

    • Technos de structure (ce qui fonde la transformation : IA, biotechnologie, etc.)
    • Technos d’application (domaines : santé, éducation, énergie, etc.)
    • Technos de système (ce qui réorganise les interactions : Web3, métavers, robotique, etc.)
    • Facteurs contextuels (régulation, climat, géopolitique, éthique…)


Et donc envisager u
n modèle à 3 couches :

  1. Cœur : NBIC = génome technologique.
  2. Interface : technologies de virtualisation, autonomisation, durabilité.
  3. Environnement : société, politique, écologie, culture.

Plus que jamais en tous cas, nous pouvons nous poser la question de savoir si « La plus grande révolution de toute l’histoire de l’humanité » est en marche ? Et comment nous positionner pour la penser peut être autrement ?